Mois : juillet 2021
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Notre président m’a demandé de présenter en quelques mots le coffret Warner à paraître. Et j’ai volontiers accepté, étant assez bien placé pour le faire… puisque j’ai participé à cet immense projet.
Je crois savoir que quelques-uns ont des doutes sur le résultat à attendre d’une telle édition, peut-être parce que de récentes publications ‘Furtwängler’ n’ont pas répondu à l’attente en matière de remastering.
Christophe Hénault (Art et Son studio, Annecy) n’est pas un novice en matière de rééditions Furtwängler. En particulier, on lui doit pour la SWF de très belles rééditions récentes comme le Requiem allemand de Brahms, le concert Schubert de Stockholm 1943 et la Pastorale de Berlin 1944.
Warner aurait pu « expédier » le travail en invitant l’équipe à réutiliser les habituelles sources. Il n’en a rien été, et la réalisation de l’ensemble a nécessité plus d’un an de travail. Et à chaque fois que Christophe Hénault, recevant une archive de Hayes (le centre historique d’His Master’s Voice), se montrait insatisfait et demandait à la direction de Warner de diligenter une nouvelle recherche, celle-ci a suivi. Malgré le Covid, qui a lourdement entravé les recherches en Angleterre (une seule personne une fois par semaine !), mais aussi en Allemagne, malgré le Brexit qui a retardé l’acheminement des bandes (une marchandise comme une autre !), rien n’est venu obérer le long cheminement qui a conduit à ce projet, initialement limité à 38 CD, puis porté progressivement à 55.
Warner a accepté de mettre en chantier une somme encyclopédique : tous les enregistrements réalisés pour le disque, en studio bien entendu, mais aussi les captations faites en concert en prévision d’une édition phonographique. On trouvera donc ici la 9e de Beethoven de Londres 1937, les extraits du Ring de Covent Garden de 1937 (les recherches pour le reste du cycle sont demeurées vaines), la 9e de Bayreuth 1951 et la Saint-Matthieu de Vienne 1954. Les opéras (Tristan, Fidelio, Walkyrie) ont été finalement inclus, et Warner, pour être complet, a obtenu d’Universal la licence pour intégrer le fonds Furtwängler lui appartenant : les disques Polydor, DGG et Decca.
Le mot d’ordre de Warner, comprenant l’importance que peut revêtir le nom de Furtwängler pour les mélomanes actuels, a quasiment été : oubliez ce qui a pu être fait dans le passé, on reprend tout à zéro, notamment dans la recherche des sources. Dès lors, et quel que soit le soin qui a pu être apporté il y a quelques années à certaines rééditions — on pense aux SACD japonais — nous avons tout repris, y compris pour les ‘Universal’. Cette recherche a conduit à une véritable « chasse aux bandes » (et aux 78T !) qui s’est avérée payante. Je ne vais pas passer en revue chaque disque, mais signaler quelques points forts.
La 7e Symphonie de Beethoven. Personne n’était heureux. Nous avons eu à disposition la totalité des prises d’origine sur bande : on n’avait pas ouvert ces boîtes depuis soixante-dix ans. Du coup le résultat est incomparable par rapport à ce que l’on connaît depuis des décennies.
La 9e Symphonie de Beethoven (BPO/Londres 1937) sera une véritable redécouverte pour beaucoup, qui avaient gardé le mauvais souvenir des premières parutions. Quant à la plus récente publication par nos amis japonais, on ne saurait accepter un diapason à 450Hz (au lieu de 440 pour les Berlinois de l’époque) qui fausse les tempos et confère une ‘brillance’ absente des sources (on est reparti des matrices métal de l’époque).
Un soin particulier a été apporté à la Saint-Matthieu. Les captations des quatre concerts avaient été conservés, et nous avons complètement revu le montage (surtout pour la 2e partie), en tenant compte des inévitables accidents et de la méforme — relative ! — de certains protagonistes. 44 bandes exploitées au mieux !
Nous aurions garde de ne pas signaler également le résultat obtenu sur la 4e Symphonie de Schumann (DGG 1953), pour laquelle nous avons pu disposer d’une bande inédite et sans doute antérieure à la bande régulièrement utilisée depuis plus de cinquante ans. Une nouvelle gravure étonnante : présence et dynamique superlatives.
Enfin, ce travail a également été payant en termes de découvertes, avec par exemple : une Valse de l’Empereur au tempo (plus lent) voulu par Furtwängler, le 3e mouvement — l’Élégie — de la Sérénade de Tchaïkovsky, une pure merveille, sans oublier une édition incomparable des deux Airs de la Reine de la nuit, dont on a retrouvé toutes les prises.
Cerise sur le gâteau, et exception au parti pris éditorial : l’Inachevée de Schubert, captée en concert (VPO/Copenhague/1er octobre 1950). Une excellente prise de son (juste une retouche sur un diapason ce coup-ci bien bas) qui met en valeur des phrasés rarement aussi prenants. Un inédit de premier plan !
Stéphane Topakian
Juillet 2021