Concert de Vienne, 13 février 1949
Certains voient en Pfitzner l’ultime maillon de la chaîne musicale remontant jusqu’à Bach. Lui-même, contempteur de l’évolution musicale au xxe siècle, se voyait ainsi, ultime rempart contre une barbarie venant de l’étranger — xénophobe absolu — ou de son propre « camp ». L’histoire a retenu l’homme entier, inflexible, acariâtre, bilieux, ennemi de tout et de tous, ayant même réussi à se mettre les nazis à dos… Quelques œuvres subsistent, en tout cas pas cette « Rose du jardin d’amour », son second opéra au livret impossible, à l’écriture musicale incongrue, qui n’a pas dépassé les frontières de son pays, lequel l’a d’ailleurs passablement oublié. Furtwängler, en dirigeant un extrait de cet ouvrage, agit-il par conviction artistique ou par piété quasi-filiale ?
En revanche, c’est bien par passion qu’il dirige la Cinquième de Bruckner, surtout depuis que l’édition Haas a révélé la véritable dimension de l’ouvrage, et notamment du Final. À ce propos, relevons dans le commentaire du programme une sorte de « fable » qui avait encore cours à l’époque. Dans la nomenclature de l’orchestre, le commentateur y ajoute le doublement des cuivres pour le Finale, doublement nullement prévu à l’origine, mais que la plupart des chefs ont adopté. À l’époque, ces supplémentaires étaient souvent placés plus haut, sur la tribune de l’orgue, et l’on faisait alors référence aux douze apôtres… Furtwängler suivit-il cette mode ? pas impossible, puisque dans un courrier, justement au Philarmonique de Vienne, il demande à ce que ces cuivres supplémentaires soient placés « dans » l’orchestre. En fait, il convient d’oublier cet aspect romantique : si l’on double les cuivres, c’est qu’ils sont tellement sollicités que les instrumentistes parviennent les lèvres trop fatiguées pour le Final et notamment son gigantesque choral conclusif.