Concert de Berlin du 30 novembre 1941

Ce programme fait partie d'une série, acquise par la SWF, de huit fascicules intéressant les saisons 1940/41 à 1942/43 de la Philharmonie de Berlin. Quelques précisions avant d'ouvrir chacun d'eux. On est en période de guerre et donc de restrictions, mais on reste étonné de la qualité des documents : couverture cartonnée, impression deux couleurs en couverture, présence d’au moins une photographie, analyse des œuvres... Et aucune référence au régime en place : on se croirait dans une monde sans croix gammée... Enfin, certains programmes comportent une rubrique « nouvelles des Philharmoniker », ou des annonces de programmes, qui nous permettent de suivre la vie de cet orchestre. On notera que le concert est donné trois fois, ce qui totalise plus de cinq mille auditeurs !


Que voilà un programme un peu atypique.

En l'ouvrant, les yeux tombent sur des sentences d'hommes célèbres sur Mozart ; et la page au verso nous présente un portrait — pastel de Tilgner, vers 1786, dixit la 4e de couverture (1) —  de Wolfgang Amadeus. Pourquoi ? Novembre 1941 : nous entrons dans le calendrier « de l’avent » des hommages à Mozart pour le 150e anniversaire de sa disparition.

Est-ce pour cette raison que Furtwängler a inscrit une œuvre liée au maître de Salzbourg, de Max Reger, compositeur qu'il respecte et que sa baguette a bien servi ? De toutes les œuvres de Reger inscrites à son répertoire — avec notamment les Beethoven-Variationen —, Les Mozart-Variationen sont la page qui revient le plus fréquemment dans ses programmes. Curieusement, il ne dirigera plus une seule note de Reger après son retour en 1947. (Pour plus d’informations, nous renvoyons le lecteur à l’étude Furtwängler et Reger, disponible sur le site de la SWF.)

Il en va de même pour la Nouveau Monde de Dvorak. Notre chef l'a dirigée, mais pas aussi souvent que la popularité de l’œuvre pouvait l'inciter à le faire. C'est d'ailleurs la seule symphonie du Tchèque qu'il a fréquentée, à côté de rares exécutions des Concertos pour violoncelle ou pour violon. Et là encore, ce pourtant grand romantique disparaît de ses programmes après 1944.

Entre les deux œuvres, Furtwängler a offert une place de choix — pour le mettre en avant, et lui seul ! —, à un tout jeune musicien qu'il vient d'engager à la Philharmonie, au poste de Konzertmeister : Gerhard Taschner. Beau geste, qui n'est pas le fait de tous les grands chefs ! Saluons-le comme il se doit, et regrettons que ce violoniste prodige, mais au caractère difficile et à la psychologie instable, n'ait pas mené après-guerre la carrière qu'il aurait pu tracer. La biographie, forcément courte, du nouveau venu est esquissée en avant-dernière page. Parmi les maîtres cités comme formateurs de l'apprenti, la plume autocensurée du rédacteur a omis un nom qui sonnait bien mal alors : Bronislaw Huberman... Et ce que ne dit pas non plus le programme, c’est que ce jeune génie de 20 ans a fait l’objet d’une offre concurrente, et plus substantielle, pour le même poste à la Staatskapelle de Berlin, de la part de son chef, Herbert von Karajan.

Au dos du fascicule figurent les programmes à venir. Pour le 16 décembre, Furtwängler avait prévu de jouer, en le dirigeant du clavier, le 27e Concerto de Mozart. Finalement il opta pour la Sérénade « Gran Partita », avec treize de ses Philharmoniker.

 

(1). L'attribution à Tilgner est curieuse ! Viktor Tilgner (1844-1896) a certes rendu hommage à Mozart, mais par la célèbre sculpture du monument Mozart à Vienne.

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