Concert de Berlin du 23 octobre 1922
Aux côtés de deux habitués des programmes de Furtwängler, le Concerto pour piano de Schumann — avec une immense pointure de l’époque, Carl Friedberg —, et la Deuxième de Brahms, voici une œuvre, dont c’est la seule apparition sous sa baguette (en fait avec l’exécution lors du concert d’abonnement à Leipzig la semaine précédente) : Le Poème de l’extase de Scriabine, pour reprendre le titre original français, mal écrit sur le programme.
C’est vrai que l’on se s’attendait pas à voir Furtwängler se commettre dans cette page aux ambitions théosophiques, métaphysiques et… érotiques. Apparemment, il s’en est bien sorti si l’on en croit la critique parue dans Signale :
« On doit savoir gré Wilhelm Furtwängler, pour son deuxième concert philharmonique, d’avoir donné la parole à Scriabine, dont les œuvres ne sont que rarement jouées en Allemagne, et en général ne sont pas honorées pour leur pleine signification. Son Poème, que Serge Koussevitsky nous a fait connaître l’hiver dernier, est une œuvre qui — et c’est le cas de toute musique véritable — captive et gagne en charme plus on la connaît et plus on l’approche. Ce poème est une musique profondément fervente d’une valeur pérenne. Superbe fut l’exécution. Magnifique la façon dont Furtwängler emboîtait les pierres les unes aux autres et les empilait comme pour l’édification d’une cathédrale. Magnifique comment convergeaient de façon fusionnelle la joie débridée et extatique de l’œuvre et du chef. »
La seule remarque négative énoncée par le critique — et sans doute aurez-vous relevé l’anomalie : le fascicule, à côté de nombreuses publicités et de l’analyse moultes fois reproduite de la Symphonie de Brahms par Becker, ne dit pas un mot de l’œuvre de Scriabine, pourtant inconnue…