Concert à Vienne du 20 mai 1951

Le fascicule est bien épais, 40 pages. Il est vrai qu’après une analyse de chacune des trois œuvres, et notamment de l’Ouverture ‘Scapino’ de Walton, donnée en première viennoise, on nous offre les ‘Musik-Blätter’, les cahiers du Philharmonique de Vienne, successions d’articles sur des sujets musicaux variés. La lecture peut néanmoins provoquer quelque étonnement.

Un article sur Mahler est certainement le bienvenu après des années de mise à l’écart, mais il peut sembler curieux qu’il ne se soit pas trouvé une seule plume viennoise pour le célébrer, et que l’on aie dû piocher dans le vieux, mais excellent, Specht de 1913.

Avait-on réellement besoin de présenter Furtwängler — en quatre pages ! — au public viennois ?

La présentation de César Franck est typiquement germanique et minimise le côté français de son influence. Ou, plutôt pire, il cite Bruneau ou Charpentier, mais occulte la véritable descendance de Franck avec Duparc et Chausson.

Kurt Blaukopf (on aurait pu lui confier l’article Mahler !) nous dispense un cours de philosophie, d’esthétique générale où ne manque même pas l’herméneutique…

Enfin, une petite bouffée d’air frais nous est apportée par un aperçu des pupitres du Philharmonique : c’est le quatrième et dernier épisode où l’on a rassemblé des instruments moins en vue, la harpe et les percussions.

Celui qui détenait ce programme — en fait une série acquise par la SWF — avait l’habitude d’annoter ses précieuses brochures. Ce qui nous vaut en première page cette mention définitive : « sehr schön ! ».

 

Concert de Berlin du 17 mai 1953

On les connaît bien ces concerts. Celui du 18 a été retransmis, enregistré et se retrouve donc reproduit sur des disques, même si c’est en ordre dispersé.

Le programme imprimé tranche sur ce qui se pratiquait à l’époque et offre donc un visage assez « moderne ». Est-ce le format carré peu usité alors ? Est-ce la présence du soliste —Wolfgang Schneiderhan — qui rapproche le tout de notre époque ? Est-ce la publicité en page deux, avec l’énoncé de disques qui nous sont encore familiers ? N’est-ce pas tout autant la page trois de couverture, réservée à un placard de l’association pour la reconstruction d’une Philharmonie à Berlin. Nous voilà pris dans la spirale du temps. Dix ans plus tard sera inaugurée la nouvelle Philharmonie, architecturalement à cent lieues de l’ancienne et même fort en avance sur son époque.

Le programme est classique, même le divertimento du Baiser de la fée de Stravinsky, que Furtwängler avait déjà donné une quinzaine d’années plus tôt.

Les analyses musicales sont signées P.W, pour Peter Wackernagel, dont on retrouve la plume sur de nombreux programmes des Berliner. Il était attaché à la Bibliothèque Nationale de Berlin, dont il avait assuré la direction du département musical entre 1945 et 1950.

Programme du concert de Bayreuth du 29 juillet 1951

Voici enfin la reproduction du programme d’un des concerts les plus mythiques de Furtwängler : l’exécution de la 9e Symphonie de Beethoven à Bayreuth en 1951.

Si le souvenir d’un concert a traversé les âges, c’est bien celui-là ! Il faut dire que s’il n’avait pas été enregistré et surtout diffusé partout dans le monde par un double microsillon après la disparition du chef, il ne resterait qu’un concert parmi d’autres, et la 9e, une parmi d’autres. Pas tout à fait cependant, car cette exécution constituait en soi un événement : elle marquait la réouverture du Festival de Bayreuth après sept ans de fermeture, après sept années marquées de profonds bouleversements : la fin d’une guerre mondiale, la recomposition d’une Europe qui se cherche et qui tâtonne vers une fédération rêvée, la reconstruction d’un pays malgré une division imposée par une puissance étrangère. Sans le savoir d’ailleurs, 1951 marque non seulement la réouverture du Festival, mais tout autant le « Nouveau Bayreuth ». Winifred a dû laisser sa place à ses fils, et Wieland va rapidement imposer un style qui n’aura plus rien de comparable avec le Bayreuth d’antan.

Il y a une certaine ironie de l’histoire qui émane de la lecture de ce programme. Feuilletez-le, et notamment les pages qui abondent en publicités diverses. Soixante-cinq ans après, les marques qu’elles vantent — les automobiles Mercédès, l’ingénierie August Klönne, les moteurs Deutz, les stylos Pélican, la porcelaine Rosenthal, les photos Adox ou Agfa, Pepsodent… — existent toujours. La seule grande entreprise (une pleine page de publicité !) liée à Furtwängler, elle n’existe plus : His Master’s Voice…

Enfin on lira avec amusement le français assez cocasse de l’appel aux dons en fin de livret…

Concert du Philharmonia du 22 février 1951

Le Philharmonia, fondé en 1945, avait pour fonction principale de réaliser des enregistrements phonographiques, mais donnait aussi de nombreux concerts. Son fondateur Walter Legge n’a eu de cesse de faire venir des chefs prestigieux : Beecham, qui a dirigé le tout premier concert, Richard Strauss en 1947, Klemperer (deux concerts dès 1948 pour The New Era Concert Society), Karajan (un concert en 1948), Cantelli (vingt-huit concerts entre 1951 et 1956), et Toscanini avec deux concerts Brahms demeurés célèbres. Ce n’est qu’à partir de 1952 et 1954 respectivement que Karajan et Klemperer dirigeront régulièrement l’orchestre.

Le plus souvent, les enregistrements étaient programmés en tant que tels comme le tout premier avec Furtwängler (Götterdämmerung, Scène finale, le 26 mars 1948).

Avant 1950, Furtwängler se produisait à Londres avec le London Philharmonic, les Wiener Philharmoniker et les Berliner. À partir de 1950, année charnière, ses concerts londoniens sont quasiment tous donnés avec le Philharmonia.

Les trois concerts programmés en 1950 comportent en mai la création mondiale des Vier letzte Lieder de Strauss avec Kirsten Flagstad, et le 11 décembre, avec Dinu Lipatti, le Concerto de Schumann, remplacé par deux courtes œuvres suite au décès du pianiste. En 1951, les trois concerts sont également avec solistes : Edwin Fischer en février (le facsimilé) — le seul concert de Furtwängler couplé avec un enregistrement —, le 1er Acte de Die Walküre en mars et le 4e Concerto de Beethoven avec Myra Hess en octobre. En 1952, il y a un seul concert, en avril, avec Flagstad dans les Wesendonck Lieder et la Scène Finale de Götterdämmarung). En 1953 et 1954 : un seul concert à Londres, consacré à Beethoven. La maladie de Furtwängler et la programmation tardive d’enregistrements à Vienne entraînent l’annulation d’un deuxième concert en mars 1954 et de l’enregistrement des Kindertotenlieder de Mahler avec Dietrich Fischer-Dieskau.

Suite à des problèmes internes au Festival de Lucerne, le Philharmonia se substitue en 1954 à l’Orchestre du Festival, avec la célébrissime 9e de Beethoven (donnée trois fois si l’on compte la genérale, in fine ouverte au public) et enfin sa toute dernière apparition avec l’orchestre le 25 août : la 88e de Haydn et la 7e de Bruckner.

 

PhJ