Programme du concert de Berlin du 12 janvier 1941

Ce programme fait partie d'une série, acquise par la SWF, de huit fascicules intéressant les saisons 1940/41 à 1942/43 de la Philharmonie de Berlin. Quelques précisions avant d'ouvrir chacun d'eux. On est en période de guerre et donc de restrictions, mais on reste étonné de la qualité des documents : couverture cartonnée, impression deux couleurs en couverture, présence d’au moins une photographie, analyse des œuvres... Et aucune référence au régime en place : on se croirait dans une monde sans croix gammée... Enfin, certains programmes comportent une rubrique « nouvelles des Philharmoniker », ou des annonces de programmes, qui nous permettent de suivre la vie de cet orchestre. On notera que le concert est donné trois fois, ce qui totalise plus de cinq mille auditeurs !


PROGRAMME DU CONCERT ET BULLETIN DES PHILHARMONIKER (« PHILHARMONISCHE BLÄTTER »)

Si deux interprètes de la musique furent proches et restent associés dans les mémoires, ce sont bien Edwin Fischer et Wilhelm Furtwängler. Fischer, suisse, du même âge que Furtwängler — quelques mois de moins — était, l’on peut dire, l’alter ego au clavier du chef : même façon de penser la musique et donc de la jouer. Leur collaboration s’étend sur plus d’une trentaine d’années, depuis le premier concert en 1918 à Mannheim jusqu’à leur ultime collaboration, en 1953 au Festival de Lucerne.

Ensemble, ils auront interprété les grandes pages du répertoire : Bach, Beethoven, Mozart, Brahms. Et c’est à Fischer que Furtwängler confie la création puis la promotion de son propre Concerto symphonique : de nombreux concerts et l’enregistrement sur disque du mouvement lent. Avec L’Empereur de Beethoven, ce sont les seuls disques gravés en commun, deux autres précieux témoignages provenant des enregistrements radio du 2e Concerto de Brahms et du Concerto de Furtwängler, cette fois-ci l’intégrale et le seul enregistrement de la version avant révision. Fischer fut l’un des successeurs de Furtwängler à la tête de la Société des Amis de la Musique de Lübeck, et le concert du 25 mars 1928 est le signe de l’attachement des deux musiciens à cette institution et de leur parfaite intelligence : la première partie est dirigée par Fischer, la seconde par Furtwängler avec le pianiste qui a échangé la baguette contre le clavier du Premier Concerto de Brahms…

Edwin Fischer

Le concert de janvier 1941 aurait pu s’intituler le concert des « moins souvent », qui réunit dans le même programme trois œuvres que Furtwängler a certes inscrites à plusieurs reprises à ses concerts, mais… moins souvent que des pages similaires. Ainsi la Première Symphonie de Schumann, qui revient moins fréquemment que la Quatrième (Deuxième et Troisième étant fort rares…), ainsi de Mort et Transfiguration de Strauss, qui pouvait envier le sort réservé à Till Eulenspiegel ou Don Juan, et enfin de même pour le Premier Concerto de Brahms, moins sollicité que son cadet.

On notera la très intéressante photo de Furtwängler dirigeant les seules cordes des Philharmoniker, peut-être lors de la création de Praeludium und Toccata de Heinz Schubert en 1939.


Dans le programme, son possesseur, sans doute un abonné, avait glissé un bulletin des Philharmoniker [pdf du document], du même format, — l’un des dix-huit « Philharmonische Blätter » de la saison 1940-1941. Intéressante lecture, dont se dégage, notamment, un important article de Peter Wackernagel sur Sibelius. Rappelant l’exécution, par Furtwängler, de la 2e Symphonie en janvier 1940, il célèbre les 75 ans du maître. Il faut dire que ces dithyrambes sur le composietur, que l’on retrouve dans d’autres programmes de l’époque, obéissent à une volonté politique de « se mettre bien » avec les Finlandais dans la lutte que les nazis vont déclencher contre les bolchéviques. Quelques mois auparavant, rien n’aurait laissé deviner que l’on irait jusqu’à créer une « Sibelius Gesellschaft » en Allemagne.

Furtwängler avait programmé un ouvrage de Sibelius — « Poème symphonique » indique seulement le placard de la page 4 de ces feuillets — pour le concert philharmonique du 24 mars 1941, qui affichait également la « création » d’un Concerto pour trompette, concerto composé par Hans Ahlgrimm, avec en soliste le chef de pupitre de l’orchestre, le suisse Paul Spörri. Ahlgrimm gagnait sa vie comme instrumentiste dans les premiers violons du Philharmonique de Berlin, mais s’était également fait un nom comme compositeur. Il se serait agi de la première exécution dans le cadre des « concerts philharmoniques », mais non de la première audition à proprement parler, car la page avait été créée par le même orchestre, sous la baguette du compositeur et avec le trompettiste Hans Bode, le 30 novembre 1939, dans le cadre d’une série de concerts organisés par l’Académie prussienne des arts.

Le concert annoncé pour le 24 mars ne fut pas dirigé par Furtwängler : comme l’on sait, un très grave accident de ski survenu fin février l’immobilisa pour de longs mois. C’est Clemens Krauss qui monta au pupitre pour un programme presque identique : Tapiola de Sibelius, le Concerto d’Ahlgrimm, Ouverture et Bacchanale de Tannhäuser, l’Inachevée de Schubert et Léonore III de Beethoven.

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