Cela fait bien des années que l’on connaît l’enregistrement, fort précaire, des Vier letzte Lieder de Richard Strauss, réalisé lors de leur création — ou à la répétition générale ? — le 22 mai 1950 à Londres. Kirsten Flagstad en était l’interprète — choisie par Strauss lui-même — accompagnée par le Philharmonia placé sous la baguette de Furtwängler.
Les commentaires allaient bon train sur l’origine de l’enregistrement, pour la plupart renvoyant l’initiative de la gravure de ces disques, non à la BBC, mais à Walter Legge, patron du Philharmonia.
Un article de presse, passé totalement inaperçu, vient apporter un certain éclairage. Il est paru dans La Presse, un journal parisien lancé en 1836 et qui, à force de n’être plus quotidien puis à peine hebdomadaire, disparaîtra totalement en 1952. L’article, non signé, figure dans le numéro du 11 juin 1950 avec pour titre : « Un maharadjah ressuscite la musique de Strauss ».
Et d’expliquer que le maharadjah de Mysore (Jaya Chamarajendra Wodeyar Bahadur), mécène de l’orchestre, avait rendu le concert possible en garantissant la recette, afin de permettre la création posthume de l’ultime chant du compositeur disparu huit mois avant ; et de conclure :
« Le triomphe de la cantatrice eût été complet si celui qui l’avait rendu possible avait été présent. Mais, retenu dans ses États par ses devoirs de souverain le maharadjah n’était pas à Londres.
Il ne tardera pas cependant à connaître les quatre derniers lieder pour lesquels il a dépensé tant d’argent : la voix de Kirsten Flagstad a été gravée dans la cire et les disques ont, dès le lendemain du concert, pris, en avion, la route de Mysore, où le maharadjah les attend pour leur assigner une place d’honneur dans sa discothèque, laquelle ne compte pas moins de vingt mille enregistrements. »
(Source Gallica/BnF)