Programme du concert de Berlin du 30 janvier 1922

Ce programme est intéressant à plus d’un titre.

Il s’agit du 4e concert de la série de cinq que l’Agence Wolff und Sachs — qui manage par ailleurs les « Dix Concerts Philharmoniques » annuels, la « vraie » saison des Philharmoniker — a mise sur pied pour Furtwängler en louant les services du Philharmonique. Ce qui explique que le nom de l’orchestre n’apparaît pas en gros caractère comme c’eût été le cas si l’orchestre avait invité le chef dans sa saison. Louise Wolff, véritable papesse de la vie musicale berlinoise, n’en faisait pas autant pour qui que ce soit, Bruno Walter excepté.

Arthur Nikisch était mort une semaine avant, et les apparitions vont se bousculer pour son futur successeur. Le hasard a fait que Furtängler s’est trouvé, si l’on peut dire, au bon moment au bon endroit. Il a dirigé le concert hommage à Leipzig le 26 janvier ; le 3 février, à Berlin, c’est un autre concert hommage, avec la Staatskapelle, dont il dirige la saison symphonique ; puis le 6 du même mois le concert donné par les Philharmoniker en hommage à celui qui les dirigea pendant plus de vingt-cinq ans. Le 13 mars, ce sera la 9e Symphonie de Beethoven avec le même orchestre (concert annoncé en bas de notre programme).
Le hasard des programmations joue en faveur de Furtwängler : il occupe le terrain. Cela a certainement joué dans le choix qui fut fait de le titulariser à Berlin comme à Leipzig.

Furtwängler programma plusieurs fois à cette époque la Symphonie « phantastique » de Berlioz ; on peut regretter qu’il ne l’ait plus jamais inscrite à ses concerts. Quant au 2e Concerto de Rachmaninov, c’est là aussi sa dernière exécution.

Eduard Erdmann est un remarquable pianiste — réputé pour ses Schubert —, doublé d’un compositeur original ; une personnalité un peu oubliée. Au moins depuis quelques temps exhume-t-on ses œuvres. Furtwängler joua l’une de ses symphonies, la Première, opus 10 [1], lorsqu’il assurait la direction des Museumkonzerte de Francfort.

Enfin, sont-ce les circonstances économiques qui ont restreint ce programme à un seul recto-verso ?

[1] On trouvera un catalogue des œuvres d’Erdmann sur le site qui lui est consacré.

Programme du concert de Berlin du 10 octobre 1921

En 1921, Furtwängler est sans aucun doute l’étoile montante de la direction d’orchestre en Allemagne. Auréolé de ses succès à Mannheim, successeur de Richard Strauss à la tête de la saison symphonique de l’Orchestre du Staatsoper de Berlin, successeur de Mengelberg au pupitre des prestigieux «Museumkonzerte» de Francfort, chef du Tonkünstler Orchester de Vienne puis patron de la puissante Gesellschaft der Musikfreunde de la même ville, s’étant déjà plusieurs fois produit à la tête du Philharmonique de Berlin depuis 1917, il est dans les petits papiers de l’agence Wolff und Sachs, la plus puissante de la capitale allemande.

C’est une série de cinq concerts que lui organise Louise Wolff pour l’hiver 1921-1922. Il faut avoir en mémoire que l’Orchestre Philharmonique de Berlin — contrairement à ce que l’on pourrait penser — avait un effectif de base assez réduit, celui d’un petit symphonique, bien inférieur à celui des phalanges de Leipzig, des Concerts Lamoureux, ou du Philharmonique de New York. C’est avec cet ensemble d’une soixantaine de musiciens que les Berliner assuraient la très grande majorité des concerts et donc leur subsistance, en louant leurs services aux solistes, aux associations chorales ou aux organisateurs de concerts : près de 125 concerts pour la saison 1921-1922 ! Seule, pratiquement, l’agence Wolff und Sachs était de taille à garantir de grands concerts — à commencer par les «Dix Concerts Philharmoniques» dévolus au titulaire, Bülow, puis Strauss, puis Nikisch — où l’effectif de l’orchestre était porté à celui d’un grand symphonique tandis que chaque concert était précédé du nombre de répétitions nécessaires et non de l’unique générale.

Faire partie de ces rares séries était donc le signe de l’excellence.

On notera au programme du premier concert de cette série la Rhapsodie pour alto de Brahms, que notre chef inscrira de temps à autre dans ses programmes, et Mazeppa de Liszt, qui, au contraire, fait une apparition aussi fugitive que le héros du poème de Victor Hugo.

Sigrid Onegin (1889-1943), franco-allemande née à Stockholm, était sans conteste l’un des plus grands contraltos de l’époque. Le Barth’schen Madrigalvereinigung était un chœur berlinois dirigé par Arthur Barth, apparemment simple homonyme du grand professeur de piano Heinrich Barth.