Mois : mai 2025
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Parution le 13 juin. Prix : 15 €
Il est des concerts de Furtwängler moins appréciés que d’autres, et souffrant de préjugés défavorables.
Il en va ainsi du Furtwängler de la dernière saison. Il y a un an nous publiions une pépite : la 8e Symphonie de Bruckner de mai 1954 à Vienne, grandiose, bouleversante et d’une rare perfection d’exécution. De quoi faire taire ces préjugés. Nous renouvelons une telle mise en avant avec le tout dernier concert donné avec le Philharmonique de Vienne, à Salzbourg, le 30 août 1954.
Au programme : les 8e et 7e symphonies de Beethoven, et —entre les deux — la Grande Fugue op. 133 en version orchestre à cordes.
Certains veulent absolument écarter les lectures ultimes de Beethoven par Furtwängler et ne jurent que par les « enregistrements de la guerre ». Comme si Beethoven avait écrit en tête de ses partitions : « mes œuvres ne devront être exécutées que dans le stress d’un conflit meurtrier ». Un ancien président de la SWF alla jusqu’à énoncer que seule la Grand Fugue méritait d’être exhumée de ce concert, les deux symphonies étant largement en-dessous des autres prestations connues. Furtwängler aurait été ainsi — sans doute atteint par les fatigues de l’âge — en-deçà de ses capacités, sauf à se réveiller pour 20 minutes de musique au milieu du programme ! C’est évidemment absurde.
Lectures rassérénées ? Certes les symphonies affichent une hauteur de vue peu commune, mais qui n’obère pas un engagement de tous les instants. Et que l’écriture de la Grande Fugue le conduise à la violence du trait, cela ne fait que confirmer une évidence que de nombreux mélomanes semblent oublier : Furtwängler savait lire une partition…
C’est une bande exceptionnelle de lisibilité, de dynamique et d’équilibre du spectre sonore, que Christophe Hénault a pu restaurer, pour lui faire rendre tout son potentiel. L’essentiel du travail a consisté à remettre au diapason (nous nous calons sur La = 444 Hz pour Vienne), à gommer quelques bruits et imperfections, et surtout à revoir les niveaux, très disparates entre les mouvements et les œuvres.
Voici un extrait (mp3) : la dernière reprise dans le 3e mouvement de la 8e Symphonie.
Il y a quelques années, nous avions évoqué la liste des retransmissions des concerts de Furtwängler dressée et mise en ligne (pdf) par Henning Smidth. Établie en 2002, elle a été plusieurs fois mise à jour. Récemment, et grâce à la consultation de journaux d’époque, nous avons pu faire part à l’auteur d’un certain nombre d’ajouts et de corrections.
Henning Smidth vient de mettre en ligne une version révisée.
https://www.smidth.dk/furt/furt.html
L’on sait que Furtwängler a parcouru une bonne partie de l’Europe, sans même parler des États Unis ou de l’Amérique latine. Mais il n’a pas mis les pieds en péninsule ibérique.
Pour être juste, il s’en est fallu de peu qu’il se produise au Portugal et en Espagne et précisément à Barcelone, au prestigieux Liceu. Trois concerts prévus les 23, 24 et 25 avril 1944, et première étape d’une longue tournée du Philharmonique de Berlin, s’étalant du 23 avril au 6 juin (le 9 à Paris sur le chemin du retour). Trois semaines avant le départ, le chef écrit à Gerhart von Westerman, l’intendant de l’orchestre :
« Je dois d’abord consulter le médecin (j’ai actuellement une grave rechute, comme dans les pires moments de l’année dernière). En tout cas, je voudrais vous demander de penser au cas où à la nomination d’un chef éminent en remplacement. Je ne pourrai fournir une réponse définitive que dans quelques jours. En matière de santé, je suis maintenant un « chat échaudé ». Je n’aime pas en parler et j’essaie par tous les moyens d’éviter de passer pour un malade. Mais entre nous, je ne peux pas cacher que j’ai beaucoup de soucis. » (1er avril 1944)
Réels soucis de santé ? Ou plus probablement maladie diplomatique destinée — comme au printemps 1943 — à obtenir un certificat médical lui évitant la corvée de célébrer, baguette à la main, l’anniversaire du Führer, qui tombe juste avant le départ… C’est Knappertsbusch qui assurera la tournée, en sus du concert officiel du 20 avril… (1)
Reste le fascicule joint, avant-programme des concerts de Barcelone.
(1) Il subsiste des images d’actualité de ce concert célébrant l’anniversaire d’Hitler, ainsi que des prises de vues de celui donné à l’Alhambra de Grenade en mai, et incorporées dans le film Die Philharmoniker.
Il nous a été suggéré de consacrer une étude à Furtwängler “chambriste”, participant comme pianiste à des séances de musique de chambre avec, notamment, les solistes de ses orchestres. C’est surtout valable pour ses périodes à Lübeck et à Mannheim.
Mais il conviendrait également de ne pas oublier le conférencier. Il est une conférence particulièrement remarquable, celle qu’il a consacrée à Bruckner, souvent datée de 1939, mais prononcée le 4 janvier 1940, à Berlin, dans la Beethovensaal. Furtwängler était depuis peu le président de la section allemande de la Société internationale Anton Bruckner. On en retrouve le texte — en français — dans les écrits publiés dans la collection Pluriel du Livre de Poche. En toute fin de l’allocution, Furtwängler évoque la prestation musicale de Wilhelm Kempff, en ouverture de la soirée, et l’exécution, pour clore, de l’Adagio du Quintette.
En voici le détail.