Programme du concert de Berlin du 3 novembre 1940

Ce programme fait partie d'une série, acquise par la SWF, de huit fascicules intéressant les saisons 1940/41 à 1942/43 de la Philharmonie de Berlin. Quelques précisions avant d'ouvrir chacun d'eux. On est en période de guerre et donc de restrictions, mais on reste étonné de la qualité des documents : couverture cartonnée, impression deux couleurs en couverture, présence d’au moins une photographie, analyse des œuvres... Et aucune référence au régime en place : on se croirait dans une monde sans croix gammée... Enfin, certains programmes comportent une rubrique « nouvelles des Philharmoniker », ou des annonces de programmes, qui nous permettent de suivre la vie de cet orchestre. On notera que le concert est donné trois fois, ce qui totalise plus de cinq mille auditeurs !


Ouvrons ce programme. Renvoyons dos à dos les publicités concurrentes d’Electrola et de Telefunken (5e de Beethoven et 6e de Tchaïkovsky — Furtwängler et Mengelberg), ne procédons pas à l’Ouverture du Tannhäuser, effectuons un glissando sur les cordes du Concerto de Schumann, ce qui nous évitera de parler de Mainardi…, oublions même la Pastorale (peut-on oublier la Pastorale ?!…), et affichons d’emblée notre curiosité pour l’ouvrage qui débute la seconde partie du concert : Thème et Variations, pour grand orchestre, d’après le poème d’Adalbert von Chamisso, « Histoire tragique ».

Son compositeur, Emil Nikolaus (Freiherr) von Reznicek est le contemporain de Richard Strauss. Né en 1860 — on célèbre alors ses quatre-vingts ans —, il meurt en 1945 après s’être essentiellement illustré dans l’univers symphonique (cinq symphonies) et l’opéra, dont un popularisé par son ouverture : Donna Diana.

Doué d’une réelle invention mélodique, beaucoup plus léger que nombre de ses contemporains germaniques (Pfitzner…), il orchestre avec une palette somptueuse, autant comparable à celle de Busoni qu’à celle de Strauss, mais où transparaissent des accents dansants de sa Bohème d’origine. Et ce qu’il manie fort bien, c’est l’humour, en filigrane de nombre de ses partitions. Un exemple : cette Tragische Geschichte, sur laquelle il brode.

Poème Histoire tragique

Le poème de Chamisso — de qui se moque-t-il ? — le compositeur l’a confié au baryton, qui intervient en toute fin de l’œuvre, et pour un air d'une minute et demi ! Mais ce même compositeur, clairvoyant, a prévu que l’on pouvait très bien se passer du chanteur, et c’est cette version « sans » que Furtwängler a inscrite plusieurs fois à ses concerts, à Rome, Vienne, Leipzig, Hambourg et Berlin, et qu’il dirige ces soirs-là (Hambourg, Berlin et Prague) pour la dernière fois. Et les Berliner, se privant du chanteur, ont été bien avisés de reproduire (page 13 du programme) ledit poème, que nous nous empressons de proposer en français (pdf séparé), histoire de ne pas se méprendre sur le caractère éminemment tragique de l’entreprise.

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